Régulièrement, des membres de Vinted m’écrivent afin de me partager leur expérience souvent malheureuse. Malgré les points positifs qu’offre la plateforme lituanienne, il existe quelques zones d’ombre.
Ce matin, je me rends sur Trustpilot afin de vérifier si Vinted fait des progrès en matière de service client. La réponse est non. À l’heure où je rédige cet article, 85% des avis comportent une étoile. Ce qui “élève” Vinted à la note médiocre de 1,3/5 (contre 4,2/5 pour Le Bon Coin par exemple).
Sur ce site référent en matière d’évaluations d’entreprises, les membres se questionnent. À quoi sert la protection acheteurs ? Pourquoi des articles sont supprimés sans raison ? Ou encore, pourquoi l’article reçu est une contrefaçon ?
À l’unanimité, les “clients” de Vinted partagent un sentiment de tromperie. Des termes plus directs sont même employés par certains comme “arnaque”, ou encore “escrocs”.
Au cœur d’un immense flou juridique, quelle est la part de responsabilité des plateformes numériques ? Règlement, litige, législation… découvrons ensemble les limites d’implication des plateformes numériques vis à vis de millions de membres.
La responsabilité des plateformes numériques
Depuis le 1er janvier 2018, les plateformes numériques ont l’obligation d’informer leurs utilisateurs sur :
- la nature et le mode de fonctionnement du service d’intermédiation proposé
- les conditions et critères de classement des offres
- le caractère payant ou non du référencement
- la qualité des personnes autorisées à déposer des offres
Jusqu’ici, Vinted joue le jeu puisque l’ensemble de ces informations figurent sur le site Internet de l’entreprise.
Ensuite, elle est tenue par l’article 6 II de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique de conserver les données de toute personne publiant du contenu sur la plateforme, dans l’objectif d’identifier les auteurs de contenus illicites.
Maintenant, quel est le niveau réel de responsabilité de Vinted ? Pour y répondre, intéressons-nous de nouveau à ce que dit la loi :
“Les opérateurs de plateformes numériques ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance des informations et pratiques illicites en lien avec les contenus accessibles sur leurs plateformes, dans la mesure où ils n’exercent qu’une activité technique d’hébergement”.
En fait, c’est comme si Airbnb dit à ses hôtes : “nous regrettons que votre appartement ait été saccagé, mais comprenez que l’entreprise n’est pas responsable des voyageurs se rendant dans vos logements par le biais de notre site Internet ou application”.
Cela peut d’ailleurs expliquer pourquoi lorsqu’un litige survient sur Vinted, le service client t’invite en premier lieu à trouver une solution amiable avec le vendeur ou acheteur.
De même, si des articles contrefaits sont vendus sur la plateforme (et pour lesquels Vinted perçoit une commission lors de la transaction), elle n’est pas responsable. Chose curieuse, elle doit néanmoins supprimer tout contenu illicite dès lors qu’elle en prend connaissance. En revanche, si tu es victime d’une arnaque, sache que Vinted ne s’en mêlera pas.
Ce qu’il faut retenir de la vente entre particuliers
La vente entre particuliers est bien différente. Celle-ci est régie par le Code Civil (et non par le Code de la Consommation) où les responsabilités sont divergentes.
En premier lieu, la vente entre particuliers ne prévoit pas de droit de retrait pour l’acheteur. Autrement dit, le délai légal de rétractation fixé à 14 jours ne s’y applique pas.
Ensuite, il y a absence de garantie légale de conformité prévoyant que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat, et doit répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Jusqu’ici, on ne peut pas dire que ce soit à l’avantage de l’acheteur. Malheureusement, c’est le jeu.
En revanche, il reste à l’acheteur la possibilité de recourir à la garantie des vices cachés prévue par l’article 1641 du Code Civil. Cette garantie intervient dans le cas où l’article acheté comporte des défauts connus du vendeur mais non mentionnés, rendant le produit inutilisable ou limitant amplement son usage (comme des produits électroniques par exemple).
Mais entre nous, je ne suis pas sûre que cela vaille la peine d’y faire appel pour un vêtement de faible valeur, d’autant plus qu’une telle procédure engendre des frais (à commencer par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception par exemple).
Tu l’auras donc compris, en cas de litige, ce n’est pas contre Vinted qu’il faut se tourner, mais contre le vendeur (ou l’acheteur dans certains cas).
Des mesures en cas de litige entre Vinted et un membre
Vinted prévoit un “règlement” en cas de litige avec un membre. La plateforme désigne la FEVAD (Fédération du E-commerce et de la Vente à Distance) dans le cas où tu souhaites contacter le médiateur qui interviendra dans le cadre de ton litige.

Attention, la FEVAD intervient uniquement pour les litiges entre un consommateur et un site Internet membre du programme de médiation. Si tu rencontres un problème avec un membre de Vinted, cette solution n’est donc pas envisageable.
Enfin, en cas d’escroquerie, c’est au commissariat de police que tu devras débuter tes démarches en déposant une plainte.
Une étroite collaboration avec l’administration fiscale
Chaque année, Vinted te transmet le bilan annuel de tes ventes. De cette façon, tu peux connaître précisément le nombre de ventes réalisées ainsi que le gain obtenu.
En réalité, Vinted a la responsabilité de relayer ces informations à Bercy. Et ce, dans le but unique de lutter contre la fraude. Si tu l’ignores, il y a de fortes chances que tu réagisses comme ce membre : “Quand on vend sur vinted, en fin d’année vous recevrez une facture des impôts car ils revendent leurs fichiers aux impôts.”
Bien sûr, l’entreprise ne revend rien aux impôts, s’agissant d’une obligation formelle. Toutefois, cette transmission de données a un objectif purement informatif et n’implique pas nécessairement de taxation.
Voici dans quels cas Vinted transmet des informations à l’administration fiscale :
- tu réalises au minimum 3 000€ de ventes annuelles
- tu réalises au minimum 20 transactions
- tu vends un article de plus de 5 000€ (sur Vinted, peu de chance…)
Mais pas de panique, même si tu dépasses le seuil des 3 000€, il est fort probable que tu n’aies rien à déclarer. Après tout, il n’y a rien de surprenant dans le fait que le dressing d’un.e accro du shopping vaille plus que cela.
Ce qui intéresse vraiment le fisc, ce sont les vendeurs pro non déclarés qui se font passer pour des particuliers. D’ailleurs, je constate une recrudescence de membres recevant ce type de message de la part de Vinted :
Depuis 2021, Vinted autorise la vente professionnelle. Ceci est un bon moyen de limiter les particuliers à “trop” vendre. Le problème, c’est que certains membres reçoivent ce message à tort. Ce qui provoque chez eux une peur panique puisque que le ton menaçant employé par Vinted évoque clairement une fermeture éventuelle du compte.
Vinted rejoint le lobby français des plateformes numériques
Répondant au nom de Alliance française des places de marchés et fondée par Back Market, eBay, Etsy, ManoMano et Rakuten en octobre 2022, c’est au tour de Vinted, Le Bon Coin et Ankorstore de les rejoindre.
En effet, dans un cadre réglementaire en cours de définition, l’objectif de ces plateformes est de “faire pression” sur la législation française visant à encadrer leur secteur.
À l’origine, le Digital Services Act (DSA). Il s’agit d’un texte adopté par le Parlement européen le 5 juillet 2022. Ce texte a pour objectifs principaux :
- de diminuer la diffusion de contenus illégaux
- d’instaurer plus de transparence entre les plateformes en ligne et les utilisateurs
Autrement dit, le DSA a pour but de combler le flou juridique actuel.
Vinted ne peut ignorer le mécontentement de ses membres. Ils se sentent littéralement abandonnés avec le sentiment qu’une fois de plus, une entreprise n’a qu’une seule préoccupation : son profit. Mais faut-il rappeler que ce sont aussi les membres qui font le succès de l’entreprise ?
Au moment où Vinted est visée par une action en justice pour manque de transparence, est-ce la réponse adéquate de rejoindre un lobby qui luttera contre les nouvelles réglementations du DSA ? N’est-ce pas là une manière de rejeter cette transparence ?
Conclusion
Vinted n’est donc ni responsable de la “qualité” des membres, ni des contenus diffusés sur la plateforme, et de surcroît, des litiges que cela engendre.
Maintenant que nous savons tout cela, peut-être faudrait-il cesser de mobiliser son énergie dans des échanges incessants et conflictuels avec le service client. La solution est certainement ailleurs…
Une assurance, un conciliateur, ou une protection juridique ?
Selon moi, c’est une erreur de considérer Vinted comme une entreprise purement commerciale. Cette vision peut coûter cher à celui ou celle qui la projette, puisque Vinted n’est ni plus, ni moins qu’une plateforme de mise en relation.
Après la lecture de cet article, cela te donne-t-il envie de poursuivre la fréquentation de la plateforme ? Je t’invite à me partager tes réflexions.